À propos du SIGI-Burkina Faso
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Les études pays SIGI, comme celle lancée par le Centre de développement pour le Burkina Faso en janvier 2018, fournissent aux décideurs politiques, à la société civile ainsi qu’à la communauté du développement une base de données complète sur les discriminations de genre au sein des institutions sociales.[i] Les discriminations de genre au sein des institutions sociales sont identifiées, mesurées et analysées au niveau infranational. Les études pays mettent en évidence l’impact négatif de telles discriminations sur les disparités de genre dans les indicateurs socio-économiques, ainsi que sur la pauvreté et la marginalisation des femmes. Par exemple, la préférence pour les garçons se traduit par des attitudes privilégiant l’éducation des garçons, ce qui accroît les inégalités dans l’éducation et limite les opportunités d’autonomisation économique des filles et des femmes
Les études pays SIGI visent ainsi à adapter l’indicateur SIGI aux réalités locales et spécificités d’un pays afin de mieux comprendre comment les discriminations à l’encontre des femmes s’exercent à l’échelon infranational, notamment compte tenu de facteurs tels que les disparités entre zones rurales et urbaines, le statut socio-économique, l’ethnie ou le niveau d’éducation.
Ce rapport a été élaboré avec l’appui financier de la Coopération autrichienne pour le développement. En partenariat avec le Ministère de la Femme, de la Solidarité nationale et de la Famille burkinabé et l’Institut national de la statistique et de la démographie du Burkina Faso, le Centre de développement de l’OCDE a entamé l’étude pays « Institutions Sociales et Égalité Femme-Homme » (SIGI) au Burkina Faso en 2015. Les données sur les perceptions et les pratiques discriminatoires des Burkinabè ont été recueillies au cours d’une enquête conduite entre octobre et décembre 2016 auprès de 5 600 personnes à travers le pays, et complétées par des discussions de groupe menées en août 2016 dans les chefs-lieux des 13 régions du Burkina Faso.
Le rapport complet de l’étude pays SIGI-Burkina Faso est disponible ici. Les résultats de l’étude ont été présentés aux les partenaires locaux et internationaux à l’occasion du lancement de l’étude le 11 janvier 2018 à Ouagadougou, Burkina Faso.
Le résumé exécutif de l’étude, qui souligne les principaux enseignements et recommandations politiques contenus dans le rapport, est disponible ici.
PRINCIPAUX RÉSULTATS
- Discriminations au sein de la famille : Le mariage précoce, répandu et persistant, discrimine particulièrement les filles. Pas moins de 44 % des femmes mariées l’ont été avant 18 ans, contre 4 % des hommes. La stabilité de ces taux entre différentes classes d’âge semble indiquer que cette pratique ne va pas en diminuant. Au contraire, sa persistance paraît liée à un fort niveau d’acceptation sociale, puisque 44 % des Burkinabè pensent qu’il est acceptable qu’une fille puisse être mariée avant 18 ans. Or, au niveau provincial, plus le mariage précoce des filles est répandu, moins elles sont scolarisées.
- Atteintes à l’intégrité physique et morale : Plus d’une femme sur trois (37 %) a été victime de violence domestique au cours de sa vie, contre un homme sur cinq (16 %). La loi interdit toute forme de violence à l’égard des femmes et des filles, cependant la violence conjugale n’est pas criminalisée. En cause, des normes sociales qui font que 34 % de la population déclare qu’un homme peut battre sa femme pour une raison ou une autre, alors que seulement 4 % estiment qu’une femme peut battre son mari. Or, les violences domestiques freinent le développement économique des femmes et entraînent un coût important pour les victimes, leur famille et l’économie nationale.
- Préséance pour les garçons : Le système patriarcal de pérennisation de la lignée et d’héritage favorable aux fils influence les préférences de fertilité. Plus de 44 % des Burkinabè aimeraient ou auraient aimé que leur aîné soit un garçon, contre 17 % une fille. La préséance pour les garçons se traduit également par des attitudes privilégiant l’éducation des garçons, ce qui accroît les inégalités dans l’éducation.
- Accès restreint aux ressources et aux biens : L’accès sécurisé à la terre reste un défi pour les femmes. Elles constituent 55 % de la force de travail agricole, mais pas plus de 40 % des propriétaires de terres. Quand elles le sont, leur pouvoir de décision reste limité. Uniquement 14 % des femmes propriétaires ont la possibilité de vendre les terres qu’elles détiennent, contre 32 % des hommes, en raison de pratiques liées au droit coutumier et à la gestion communautaire des terres. Cela affecte leur possibilité d’obtenir un crédit par exemple, limitant leurs opportunités d’autonomisation économique.
- Atteintes aux libertés civiles : L’accès à la justice semble plus compliqué pour les femmes que pour les hommes. La majorité d’entre elles (60 %) n’aurait pas recours à la justice afin de régler une situation conflictuelle, alors que 60 % des hommes lui feraient confiance. Ceci est lié au fait que 40 % des femmes pensent que les cours de justice favorisent systématiquement les hommes. La promotion des droits des femmes et de l’égalité femme-homme est un prérequis à une croissance durable et inclusive. Or, l’accès à la justice est primordial pour assurer que les citoyennes et les associations féministes puissent défendre leurs droits.
RECOMMANDATIONS POLITIQUES
- Intégrer la lutte contre les institutions sociales discriminatoires dans les stratégies nationales de développement : Afin de libérer le potentiel économique des femmes, favoriser la croissance et lutter contre la pauvreté, le Plan national de développement économique et social doit s’appuyer sur des politiques et programmes visant à éliminer les discriminations de genre ancrées dans les lois formelles (législation) et informelles (traditions, coutumes), les normes et pratiques sociales.
- Renforcer le cadre juridique afin de protéger pleinement les droits des femmes : L’élimination des discriminations légales et l’application effective des lois anti-discrimination sur tout le territoire permettront d’améliorer la condition féminine et de promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes. Interdire le mariage précoce ou criminaliser le viol conjugal, par exemple, garantirait une protection juridique des droits fondamentaux des femmes et des filles. Ceci constitue en outre un message important quant à l’acceptabilité de telles pratiques.
- Harmoniser le droit coutumier avec la législation nationale s’avère indispensable. L’efficacité des lois garantissant l’égalité des droits est en effet menacée par certaines règles du droit coutumier et autres pratiques traditionnelles. Afin de surmonter l’influence des normes sociales discriminatoires, les mesures juridiques doivent être accompagnées de campagnes de sensibilisation et de dialogues avec les communautés pour permettre une convergence acceptée de tous entre le cadre législatif et règlementaire et le droit et pratiques coutumiers.
- Garantir un meilleur accès à l’éducation et mieux promouvoir le dialogue dans la société : Dans les opinions comme dans les pratiques, les niveaux de discrimination s’avèrent plus faibles parmi les populations les plus éduquées. L’éducation est donc un agent de changement sur lequel il faudra compter. Ceci est d’autant plus important pour engager les communautés dans des dialogues et campagnes de sensibilisation
- Collecter les données afin d’évaluer les progrès et mieux cerner les défis dans la réalisation des ODD : En investissant dans l’actualisation des données, le Burkina Faso sera mieux armé pour évaluer l’efficacité de ses politiques sensibles au genre.
RESSOURCES ADDITIONNELLES
- Accéder au rapport complet de l’étude pays SIGI-Burkina Faso
- Accéder à la brochure de l’étude pays SIGI-Burkina Faso (also available in English)
- Accéder au document annexe de l’étude pays SIGI-Burkina Faso
- Accéder aux résultats du SIGI-Burkina Faso
- Accéder à la base de données SIGI-Burkina Faso et au rapport d’enquête.
- Accéder aux autres publications du programme égalité femmes-hommes du Centre de Développement
[i] Les institutions sociales discriminatoires sont les normes sociales, les pratiques et les lois formelles et informelles qui restreignent l’accès des femmes et des filles aux ressources et opportunités d’autonomisation.